Drôles

Coûter l’appeau d’Écouille

Par un beau jour d’automne 1820, le duc de Mirnouf, passionné par la chasse mais frustré par le maigre gibier qu’il ramenait de ses pérégrinations forestières, imagina qu’il devait être possible de fabriquer un outil apte à lui faciliter la tâche et rendre plus plaisante sa traque des animaux.

Il convoqua tous les artisans de la contrée pour mettre au concours la concrétisation de cette idée et leur laissa deux mois pour fabriquer le plus inventif et le plus efficace des appareils.

A peine une semaine plus tard, un marchand du nom de Martin Écouille, se présenta au château clamant à qui veut l’entendre qu’il possédait ce dont le duc rêvait. Il obtient sans peine une audience au près du noble et s’empressa de lui faire la démonstration de sa merveille. Devant une assemblée dubitative mais curieuse, il sortit de sa poche un minuscule sifflet et le porta à la bouche pour produire un son strident qui aussitôt imposa le silence parmi les personnes présentes.

A peine quelques secondes plus tard, des dizaines d’oiseaux de toute sorte s’étaient approchés et virevoltaient autour de lui, comme attirés et charmés par cette étrange mélodie. Le duc imagina sans peine le profit qu’il pouvait tirer d’un tel accessoire lors des ses futures chasses. Il s’éclairci la gorge et ne prononça qu’une seule phrase: – Combien cela va-t-il me coûter?

Martin Écouille, sûr de lui, répondit qu’il accepterait de se séparer de son objet en échange de la moitié de la fortune de son interlocuteur. Cette requête fit sourire l’assemblée mais le duc garda tout son sérieux et accepta la transaction. La nouvelle fit grand bruit et se répandit vite bien au delà des limites du duché: Un marchand avait vendu un sifflet pour une somme astronomique au Duc qui en paya le coût sans broncher.

On ne sait plus aujourd’hui ce que le marchand est devenu par la suite et l’objet n’a pas hélas pas survécu aux années mais cette anecdote a subsisté dans la langue française pour qualifier les objets hors de prix: « coûter l’appeau d’Écouille ».

NB : Le Duc était un inculte. Nombreux étaient les hellénistes de son temps qui savaient que déjà, au VIIIe siècle avant J.C, les ébénistes de la ville d’Ephèse, sur la mer Egée, fabriquaient des appeaux de grande qualité, très efficaces et surtout bon marché.
Si le Duc avait été un peu instruit, il aurait su que l’appeau d’Ephèse coûtait moins cher que celui d’Ecouille.

Les appeaux célèbres à travers l’histoire :

– Au fond de la Grotte Chauvet en Ardèche, on a retrouvé un appeau en silex que les archéologues désignent sous le nom savant d’appeau lithique ou l’appeau-pierre.
– Un augure romain vendit fort cher à Jules César un instrument qui était sensé prédire l’avenir quand on soufflait dedans. D’où l’expression aujourd’hui déformée : l’appeau devin.
– Jésus collectionnait les appeaux fabriqués par le moine tibétain Treuh. Il en possédait une douzaine.
– Les prêtres du culte vaudou appellent les morts vivants en soufflant dans un « appeau d’zombies »
– Jusqu’au 19e siècle, les appeaux étaient plutôt biscornus. C’est un poète français qui inventa l’appeau linéaire.
– La Suédoise Schtröne fit beaucoup pour la modernisation des appeaux avant de mourir d’une cirrhose.
– C’est au Corse Dominique Lifonni que l’on doit l’appeau du même nom qui attire irrésistiblement le Bobo pendant qu’on fait péter sa villa.
– Un Auvergnat du nom de Théo Chout créa un appeau qui hélas n’eut de succès que dans les cours de récréation et les magasins de farces et attrapes où il fut vite détrôné par le coussin péteur.
– Et le plus beau, l’appeau long, l’appeau lisse qui garantit l’extase, commercialisé sous le nom d’appeau G.

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