Macron rejette la faute sur « les forces politiques » : une stratégie de déresponsabilisation qui fait débat
« Ce n’est jamais sa faute. » Cette phrase, devenue presque proverbiale dans les cercles politiques, résume une posture désormais familière : celle d’Emmanuel Macron pointant du doigt « les forces politiques responsables » pour expliquer les crises, les tensions, voire les échecs de son quinquennat. Dernier exemple en date ? Ses déclarations sur la censure supposée de François Bayrou et les attaques contre Sébastien Lecornu — deux épisodes qu’il attribue à des manœuvres extérieures, jamais à ses propres choix.
🔴🇫🇷 ALERTE INFO | Macron : "Les forces politiques responsables qui ont décidé la censure de François Bayrou, et les forces politiques qui ont joué la déstabilisation autour de Sébastien Lecornu sont les seules responsables de ce désordre."
Ce n'est jamais sa faute. pic.twitter.com/YuUjn7QtG7
— Jon De Lorraine (@jon_delorraine) October 13, 2025
Une rhétorique bien rodée : le président face au « désordre »
Dans un discours récent, le chef de l’État a déclaré : « Les forces politiques responsables qui ont décidé la censure de François Bayrou, et les forces politiques qui ont joué la déstabilisation autour de Sébastien Lecornu sont les seules responsables de ce désordre. » La formule est claire, tranchante, et surtout évacue toute forme d’autocritique. Le président se présente ainsi non comme un acteur, mais comme une victime des jeux d’influence partisans.
Pourtant, Bayrou, figure centrale de la majorité présidentielle depuis 2017, n’a jamais été formellement « censuré » par une institution. Son retrait médiatique ou ses prises de position discrètes relèvent davantage d’un alignement tactique au sein de la coalition Ensemble. Quant à Lecornu, ministre des Armées souvent pris pour cible, il reste l’un des piliers les plus stables du gouvernement — ce qui rend la thèse d’une « déstabilisation orchestrée » difficile à étayer.
Le « bouc émissaire » comme mode de gouvernance ?
Cette rhétorique du « eux contre nous » n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une logique de déresponsabilisation systématique, où chaque impasse est imputée à des forces obscures : l’opposition, les médias, les « extrêmes », ou même des alliés jugés trop indépendants. Le message est subtil mais efficace : le président incarne la stabilité ; le chaos vient toujours de l’extérieur.
Or, dans un contexte de défiance croissante envers les élites, cette stratégie commence à montrer ses limites. Les citoyens, habitués à la transparence numérique et à la rapidité de l’information, perçoivent de plus en plus ce discours comme une fuite en avant rhétorique — une manière d’éviter les questions gênantes sur les décisions réelles prises à l’Élysée.
Quand la communication remplace la responsabilité
Il est légitime de dénoncer les attaques politiques ou les campagnes de dénigrement. Mais lorsqu’un chef d’État, doté de pouvoirs considérables et entouré d’une majorité parlementaire (même affaiblie), refuse systématiquement d’assumer le moindre revers, il fragilise l’idée même de responsabilité politique.
Car gouverner, ce n’est pas seulement piloter en temps calme. C’est aussi reconnaître les erreurs, ajuster le cap, et parfois, simplement dire : « Nous nous sommes trompés. » Une posture que Macron, malgré ses talents oratoires, peine encore à adopter.