« Elles font le ménage tôt le matin » : la polémique Bayrou relance le débat sur les stéréotypes sexistes et racistes
Une déclaration de François Bayrou, ressurgie récemment, fait de nouveau réagir : « Les femmes immigrées sont indispensables car elles font le ménage dans les bureaux tôt le matin. » Prononcée il y a plus de vingt ans, cette phrase, pourtant datée de 2002, sonne aujourd’hui comme un écho troublant de discours encore trop présents dans l’espace public. Pourquoi cette remarque suscite-t-elle autant d’indignation en 2024 ? Et que révèle-t-elle des représentations persistantes autour du travail des femmes migrantes ?
Un propos ancien, mais toujours symptomatique
Si la citation exacte remonte à une intervention de François Bayrou en 2002, son actualité n’est pas anodine. Elle a été remise en lumière dans le cadre d’un débat plus large sur la reconnaissance du travail invisible, souvent assuré par des femmes issues de l’immigration. Plutôt que de valoriser leur contribution à la société, la formulation réduit ces travailleuses à une fonction subalterne, comme si leur seule utilité résidait dans leur présence discrète au petit matin.
Ce type de discours, même s’il se veut descriptif ou pragmatique, renforce des stéréotypes de genre et d’origine. Il essentialise les femmes immigrées en les cantonnant à des rôles de service, sans reconnaître leur dignité, leurs compétences ou leurs aspirations.
🔴🇫🇷Pour François Bayrou, les femmes immigrées sont indispensables car elles font le ménage dans les bureaux tôt le matin. Ce discours date d’hier, pas de 2002. pic.twitter.com/3KI1nXC3rL
— Gabriel de Varenne (@G_deVarenne) September 28, 2025
Le travail domestique : invisible, précaire, mais essentiel
Les femmes qui nettoient les bureaux, les écoles ou les hôpitaux accomplissent un travail physiquement exigeant, souvent effectué en horaires décalés, mal rémunéré et peu valorisé. Beaucoup sont en situation de précarité administrative ou en contrat à durée déterminée, ce qui les rend vulnérables aux abus.
Pourtant, sans elles, le fonctionnement quotidien de nombreuses institutions serait paralysé. Leur rôle n’est pas secondaire : il est structurel. Le problème ne vient pas de la reconnaissance de leur présence, mais de la manière dont elle est formulée — comme une évidence, voire une fatalité, plutôt qu’un choix contraint par des inégalités systémiques.
Entre paternalisme et invisibilisation
Derrière des phrases apparemment bienveillantes se cache souvent un paternalisme insidieux. Dire qu’elles sont « indispensables » parce qu’elles « font le ménage tôt le matin », c’est ignorer les conditions dans lesquelles ce travail est effectué. C’est aussi nier leur agency : ces femmes ne sont pas là par vocation, mais souvent parce que le marché du travail leur ferme d’autres portes.
En 2024, les discours politiques sont de plus en plus scrutés à l’aune de l’égalité, de la diversité et de la justice sociale. Une phrase comme celle de Bayrou, même ancienne, illustre à quel point les représentations collectives peinent à évoluer — surtout lorsqu’elles concernent les femmes racisées.
Et si on changeait de regard ?
Reconnaître le travail des femmes immigrées, ce n’est pas les figer dans un rôle de « nettoyeuses silencieuses ». C’est exiger des conditions de travail décentes, une rémunération équitable, et surtout, leur accorder la même dignité qu’à tout autre professionnel.
Cela passe aussi par un langage plus juste dans les sphères médiatiques et politiques. Les mots ont un poids. Ils façonnent les politiques publiques, les mentalités, et parfois, les vies.