L’IA révolutionne la lutte contre le cancer : innovations majeures, espoirs nouveaux
Le cancer est l’une des maladies les plus complexes à combattre. Mais depuis quelques années, une nouvelle arme s’ajoute aux outils des chercheurs et oncologues : l’intelligence artificielle. Grâce à sa capacité à analyser d’immenses quantités de données biologiques, à modéliser des molécules et à prédire les réponses thérapeutiques, l’IA bouleverse chaque étape de la prise en charge oncologique. De Paris à Boston, les laboratoires pharmaceutiques comme les instituts de recherche investissent massivement dans cette technologie. Voici un tour d’horizon des avancées marquantes.
De la découverte au développement : l’IA accélère la création de nouveaux traitements
Le processus de mise au point d’un médicament contre le cancer est long, coûteux et souvent incertain. Il peut prendre entre 10 et 15 ans, avec un taux d’échec élevé. L’arrivée de l’intelligence artificielle change la donne. En permettant de simuler des interactions moléculaires complexes, d’identifier des cibles thérapeutiques pertinentes et de repérer plus rapidement les candidats-médicaments, l’IA réduit drastiquement les délais de développement.
Owkin, start-up française spécialisée dans l’IA appliquée à la santé, collabore avec Servier sur le glioblastome, un cancer cérébral très agressif. Malgré plus de 400 essais cliniques menés depuis 2005, les progrès restent limités. « Le glioblastome est extrêmement hétérogène, ce qui rend son étude complexe », explique Thomas Clozel, cofondateur d’Owkin. L’IA offre une possibilité inédite : croiser des données provenant de multiples sources (imagerie, génétique, histologie) pour identifier des motifs invisibles à l’œil nu.
Des géants comme Sanofi ont également misé gros : 160 millions d’euros investis chez Owkin dès 2021, en plus de partenariats avec Aqemia et OpenAI. Selon Jacques Volckmann, directeur de la R&D chez Sanofi, « l’IA infuse à toutes les étapes de la chaîne, du design moléculaire aux essais cliniques ».
Diagnostic renforcé par l’IA : précision accrue, erreurs évitées
Dans les services de radiologie, l’intelligence artificielle assiste les médecins depuis plusieurs années. Son utilisation est désormais bien ancrée dans la pratique quotidienne. Les algorithmes appuient leurs analyses sur des milliers d’images annotées, permettant d’identifier des anomalies subtiles que l’humain pourrait manquer.
Selon Gaspard d’Assignies, radiologue et fondateur d’Incepto, « dans le cas du cancer du sein, une double lecture humaine + IA détecte jusqu’à 25 % de cancers supplémentaires ». Pour le cancer de la prostate, l’avantage principal réside dans la réduction des faux positifs, évitant ainsi des biopsies inutiles et des traitements excessifs.
À l’Institut Curie, des équipes travaillent activement à perfectionner ces outils. Un algorithme récemment développé permet de prédire si un patient atteint de cancer du poumon non à petites cellules bénéficiera ou non de l’immunothérapie. Cette approche prédictive améliore la pertinence des soins, tout en économisant des ressources.
Médecine personnalisée : adapter les traitements à chaque profil génétique
La médecine personnalisée est une des grandes promesses de l’intelligence artificielle. Plutôt que de proposer des traitements standard, elle vise à adapter les soins en fonction du profil unique de chaque patient. C’est ici qu’entre en jeu l’analyse des données génomiques.
Tempus AI, entreprise américaine soutenue par Softbank, propose des tests combinant analyse génétique et recommandations thérapeutiques individualisées. « Le cancer est l’ennemi du patient. Et connaître cet ennemi, c’est déjà le combattre », affirmait Masayoshi Son, patron de Softbank. Ces technologies permettent de déterminer quels patients répondront aux immunothérapies, évitant ainsi des traitements inefficaces.
En France, l’Institut Curie a lancé un projet ambitieux : constituer une base de données massive intégrant les profils génétiques de milliers de patients. Cette initiative, couplée à l’usage de l’IA, marque un tournant vers une oncologie ultra-ciblée.
Collaboration internationale : quand data scientists et médecins unissent leurs forces
Les hackathons médicaux sont devenus des lieux stratégiques d’innovation. À Paris, un événement organisé par Owkin et Servier a rassemblé 130 experts issus de disciplines variées autour des données de 115 patients souffrant de glioblastome. L’objectif : explorer de nouvelles pistes thérapeutiques grâce à l’IA.
Ces initiatives montrent l’importance du travail collectif. Biologistes, oncologues, informaticiens et mathématiciens doivent collaborer pour extraire des enseignements des données disponibles. Ce croisement de savoirs est indispensable pour faire émerger des solutions innovantes.
Défis réglementaires et accès aux données : les freins actuels
Malgré les succès engrangés, l’essor de l’IA en oncologie rencontre encore des obstacles. Le premier est l’accès aux données de santé. Les données hospitalières sont souvent fragmentées, protégées par des régulations strictes, ou difficiles à croiser entre institutions. Emmanuel Macron a récemment annoncé vouloir faciliter l’accès à ces données, une décision saluée par les acteurs du secteur.
Un autre défi réside dans la régulation éthique et légale de l’utilisation de l’IA en médecine. Garantir la sécurité des patients, la transparence des algorithmes et la protection des données personnelles reste primordial pour assurer une adoption durable de ces technologies.