« C’est à moi qu’on a gâché la vie » : le témoignage déchirant d’Eva M. après l’annulation de son mariage à Béziers
Un amour sincère. Une cérémonie empêchée. Une vie bouleversée. Eva M., 30 ans, brise enfin le silence un an et demi après que Robert Ménard, maire de Béziers, a annulé son mariage avec Mustapha B., un Algérien de 24 ans sous obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ce mardi 18 février 2025, l’édile comparaissait devant la justice pour avoir refusé de célébrer leur union – et a choisi de ne pas plaider coupable, ouvrant la voie à un procès en correctionnelle.
Un mariage annulé au nom du soupçon
Le 14 juillet 2023, à Béziers, tout était prêt pour l’union d’Eva et Mustapha. Pourtant, au dernier moment, Robert Ménard bloque la cérémonie. Il invoque le risque d’un mariage blanc, malgré les preuves d’une relation stable : vie commune, lien affectif avec la fille d’Eva, et absence de casier judiciaire chez le jeune homme.
💬 « Je ne lâcherai jamais l’affaire »
La réaction d’Eva, dont le mariage avec Mustapha – un Algérien sous OQTF – a été annulé, après la comparution de Robert Ménard pic.twitter.com/Xn8A1wAk7Y
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Mustapha, arrivé en France légalement, n’avait pas renouvelé son titre de séjour à temps. Suite à un banal contrôle de police en août 2022 — lié à un vélo — il s’est vu notifier une OQTF sans expulsion immédiate. « Il est reparti libre avec son vélo, mais sans papiers valides, le préfet a lancé l’OQTF », raconte Eva, encore atterrée.
Une séparation brutale, une famille déchirée
Quelques jours après l’annulation du mariage, Mustapha B. est expulsé vers l’Algérie. Depuis, Eva élève seule sa petite fille, qui appelait son fiancé « papa ». « C’était sûrement pas un mariage blanc. Ça m’arrache le cœur à chaque fois qu’on remet ça sur le tapis », confie-t-elle, la voix tremblante.
Pour elle, cette décision administrative — relayée par une autorité municipale — a eu des conséquences humaines irréversibles. « C’est à moi qu’on a gâché la vie », résume-t-elle, entre colère et tristesse.
Robert Ménard poursuivi, mais pas repentant
Robert Ménard est désormais poursuivi pour refus de célébrer un mariage, un délit puni de cinq ans d’emprisonnement, 75 000 € d’amende et une peine d’inéligibilité. Ce mardi, il a rejeté une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), préférant affronter un procès en correctionnelle.
L’ancien journaliste, proche de la droite radicale, défend sa position : « C’est le monde à l’envers ! Il était sous OQTF, et c’est à moi qu’on en veut ? » Une posture qui alimente un débat bien plus large sur les mariages avec étrangers sous OQTF.
Un débat législatif en cours
La polémique prend une dimension nationale. Ce jeudi, le Sénat examine une proposition de loi visant à interdire légalement les mariages lorsque l’un des futurs époux est sous obligation de quitter le territoire français. Ironie du sort : si ce texte est adopté, Robert Ménard pourrait être jugé pour un acte qui deviendrait bientôt légal.
« Ce sera le comble du comble : me retrouver devant le tribunal correctionnel pour un délit que les sénateurs auront effacé », a-t-il déclaré, sarcastique.
Une plainte pour diffamation complique l’affaire
Mariage annulé à Béziers: Robert Ménard indique qu’il va se retrouver « devant le tribunal correctionnel » après avoir refusé la reconnaissance de culpabilité pic.twitter.com/LE1hX9zAZt
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La tension monte encore d’un cran. L’avocate du couple, Vanessa Edberg, annonce une plainte pour diffamation contre Robert Ménard. Celui-ci a affirmé que Mustapha B. avait été condamné à six mois de prison — une information totalement fausse, selon le casier judiciaire vierge du jeune homme.
« Il n’y a aucune condamnation. C’est une manipulation », dénonce l’avocate, qui voit dans ces propos une tentative de discréditer son client pour justifier une décision arbitraire.
Derrière la politique, une femme en deuil d’un avenir
Au-delà des procédures judiciaires et des enjeux électoraux, c’est une histoire humaine qui se joue. Eva M. ne réclame ni médiatisation ni vengeance. Seulement le droit à la dignité. « J’aimerais juste qu’on arrête de salir notre histoire et qu’on me laisse vivre ma vie », dit-elle, les yeux pleins de larmes retenues.
Dans un pays qui se dit républicain, cette affaire interroge : jusqu’où peut-on laisser les préjugés dicter le cours d’une existence ?
