Indignation carcérale : À Vendin-le-Vieil, les détenus qualifient la nourriture de « dégueulasse »
Un cri de colère monte des cellules de Vendin-le-Vieil. Dans cette prison de haute sécurité réservée aux narcotrafiquants les plus redoutés de France, les détenus ne contestent ni les surveillants ni les conditions de détention, mais ce qu’on leur sert dans leur plateau-repas. La nourriture, selon leurs dires, serait à ce point mauvaise qu’elle franchit la ligne entre l’insipide et l’indigne. Et cette fois, ils ne se taisent plus.
Une plainte alimentaire relayée par l’avocate
C’est par l’intermédiaire de Me Sophie Delmas, avocate de plusieurs détenus, que cette affaire a éclaté au grand jour. Selon elle, les repas servis quotidiennement à l’établissement pénitentiaire de Vendin-le-Vieil seraient régulièrement qualifiés de « bouillie immangeable » ou de « déchet industriel ». L’un des détenus n’a pas mâché ses mots : « La gamelle est dégueulasse. » Une phrase simple, brute, mais qui résume un malaise profond.
Les plats, souvent tièdes, mal assaisonnés et composés d’ingrédients d’origine douteuse, seraient servis sans concertation ni possibilité de recours. « On ne parle pas de gastronomie, précise Me Delmas, on parle de base : un repas chaud, propre, nutritif. Ce n’est pourtant pas une exigence extravagante. » Pourtant, dans les faits, cette base semble régulièrement bafouée.
Vendin-le-Vieil, un établissement moderne aux failles criantes
Inaugurée en 2021, la prison de Vendin-le-Vieil a été conçue comme un modèle de modernité : surveillance numérique, isolement renforcé, gestion centralisée. Elle accueille 100 détenus classés comme les plus dangereux du pays, notamment des chefs de cartels ou des trafiquants internationaux. Mais derrière cette façade high-tech, les conditions de vie quotidiennes semblent déconnectées des normes élémentaires.
Les détenus décrivent des repas à base de purée en flocons, de viande grise et de légumes surgelés réchauffés à outrance. Certains évoquent des odeurs nauséabondes, d’autres des portions insuffisantes. « On est enfermés comme des bêtes, mais même les animaux en captivité ont un régime contrôlé », a lancé un détenu lors d’un entretien confidentiel.
Un problème systémique, pas un cas isolé
Ce n’est pas la première fois que la restauration en milieu carcéral fait polémique en France. En 2022, un rapport de l’Inspection générale de l’administration pénitentiaire (IGAP) alertait déjà sur la dégradation de la qualité nutritionnelle des repas dans plusieurs établissements. À Fleury-Mérogis, à Lille ou encore à Poitiers, des détenus avaient déjà dénoncé des menus répétitifs, déséquilibrés, voire parfois périmés.
Le système repose souvent sur des marchés publics remportés par des entreprises de restauration collective, dont les critères de sélection privilégient le coût plutôt que la qualité. Résultat : des budgets serrés, des repas standardisés, et une traçabilité quasi inexistante. À Vendin-le-Vieil, où chaque repas coûterait environ 3,50 €, la marge pour servir un plat digne de ce nom est mince.
Droit à la dignité : une obligation légale
La France est signataire de la Convention européenne des droits de l’homme. Or, l’article 3 interdit les traitements inhumains ou dégradants. En 2019, la Cour européenne a condamné la France pour des conditions de détention indignes, notamment à cause de l’insalubrité des cellules et de la sous-alimentation. Le droit à une alimentation suffisante et de qualité fait donc partie intégrante des obligations de l’État, même envers ceux qui ont commis des crimes graves.
Le Défenseur des droits, Jacques Toubon à l’époque, avait déjà mis en garde contre la « déshumanisation progressive » des prisons françaises. Aujourd’hui, ce nouveau cas ravive les inquiétudes : peut-on priver quelqu’un de liberté sans lui priver aussi de dignité ? La réponse devrait être non. Pourtant, le fossé entre le principe et la réalité s’élargit.
Quelles suites après cette révélation ?
Me Delmas a annoncé qu’elle déposerait une réclamation officielle auprès de la Direction de l’administration pénitentiaire. Elle exige une inspection surprise des cuisines de Vendin-le-Vieil, ainsi que la publication des contrats de sous-traitance liés à la restauration. « Ce n’est pas une affaire de confort, c’est une affaire de droit », insiste-t-elle.
Du côté du ministère de la Justice, on se veut prudent. Interrogé par BFMTV, un porte-parole a indiqué que « toutes les allégations sont prises au sérieux » et qu’une vérification interne était en cours. Mais sans engagement clair sur une réforme du système.