Choc dans les rayons : des œufs durs écalés à 2,70 € dans du plastique font capoter Carrefour
Deux œufs durs, déjà pelés, rangés dans une barquette en plastique recyclé, vendus 2,70 euros : cette idée, lancée par l’entrepreneur Redhouane Tebaïli sous la marque « Coqotte », a déclenché une tempête sur les réseaux sociaux. Présentée comme une solution saine pour les actifs pressés, la création a vite été perçue comme un symbole du suremballage — au point que Carrefour, initialement partenaire du lancement, a annulé in extremis sa commercialisation. Le buzz a été si violent que l’entrepreneur a reçu des messages haineux, tandis que la grande distribution invoquait un manque d’alignement avec ses engagements environnementaux.
Une innovation saluée… puis vivement critiquée
Sur LinkedIn, Redhouane Tebaïli vantait « un snack simple, naturel, non transformé » destiné à ceux qui « en ont marre de subir leur pause déj ». Ancien ingénieur en télécoms, il se dit inspiré par un produit similaire découvert dans un supermarché italien, et convaincu qu’il répondait à un besoin réel : celui des travailleurs trop pressés — ou trop fatigués — pour cuire deux œufs la veille.
Mais le public n’a pas été convaincu. Rapidement, les commentaires ont fusé, moqueurs ou indignés. « Dommage que la nature n’ait pas prévu un emballage biodégradable autour des œufs », raillait une utilisatrice, pointant l’absurdité de retirer une coquille 100 % naturelle et compostable pour la remplacer par du plastique rPET, même recyclé.
Carrefour stoppe le test face au tollé
Alors que le produit devait être testé dans un magasin Carrefour, le distributeur a fait machine arrière. Bertrand Swiderski, responsable RSE du groupe, a expliqué publiquement que ce « test » était annulé car il ne correspondait « pas aux engagements » de l’enseigne en matière de durabilité.
Pour autant, Carrefour n’a pas tourné le dos à l’entrepreneur : il lui a proposé une alternative pragmatique — vendre les œufs… non écalés, et dans un emballage en carton. Une suggestion qui ramène le produit à l’essentiel : laisser la nature faire ce qu’elle fait déjà parfaitement.
Quatre magasins résistent à la polémique
Malgré l’annulation chez Carrefour, Redhouane Tebaïli assure que « Coqotte » est bien présent dans quatre magasins indépendants, dont il refuse de révéler les noms pour « éviter le harcèlement » de leurs équipes. Il insiste : « C’est aux consommateurs de décider si ce produit doit exister — pas aux internautes de LinkedIn. »
Prix élevé, qualité moyenne, origine floue
Au-delà de l’emballage, d’autres éléments interrogent. Le prix de vente conseillé — 2,70 € pour deux œufs — est près de dix fois supérieur à celui d’une préparation maison. Même en incluant main-d’œuvre et conditionnement, la marge paraît excessive pour un produit non transformé.
La qualité n’est pas au rendez-vous non plus : les œufs proviennent de poules élevées au sol, une mention intermédiaire qui exclut le plein air, souvent réclamé par les consommateurs soucieux du bien-être animal.
Quant à leur origine, l’emballage mentionne un conditionnement en Belgique, mais l’approvisionnement varie selon les disponibilités : France, Espagne, Portugal, Allemagne. Un choix étonnant dans un pays auto-suffisant à 95 % en œufs.
Un déchet de plus dans un océan de plastique
Redhouane Tebaïli se dit « conscient » de l’impact écologique et souligne que son emballage est en rPET — recyclé et recyclable. Mais dans la réalité, un snack consommé à l’extérieur est rarement trié correctement. Jeté dans la première poubelle venue, il finit souvent incinéré ou enfoui.
Et même si le plastique est recyclé, il reste un déchet à usage unique. La coquille d’œuf, elle, se dégrade en quelques semaines, sans infrastructure, sans énergie, sans pollution.
Une leçon de sobriété pour l’innovation alimentaire
Cette affaire révèle un paradoxe fréquent dans la foodtech : vouloir simplifier la vie des consommateurs tout en complexifiant inutilement la chaîne de valeur. Proposer un aliment « sain » dans un emballage contestable, c’est manquer l’essence même de la consommation responsable.
L’idée de base — offrir une alternative naturelle aux snacks ultra-transformés — n’était pas mauvaise. Mais l’exécution a oublié une vérité simple : parfois, la meilleure solution est celle que la nature a déjà inventée.
