« On m’a chassée de mon HLM… pour un loyer qui explose » : le témoignage qui dénonce les failles de la réforme du logement social
Elle a patienté dix-sept ans pour obtenir un toit décent. Aujourd’hui, Sonia, mère de cinq enfants, est contrainte de payer un loyer deux fois plus élevé — après avoir été priée de quitter son logement social. La raison ? Ses revenus ont légèrement augmenté. Dans le même temps, le gouvernement prépare une réforme du HLM pour mettre fin au « logement social à vie ». Mais pour de nombreuses familles comme la sienne, cette logique de rotation cache une cruelle absence de solutions alternatives. Le parc privé n’est pas abordable. Et le parc social manque cruellement de logements adaptés aux grandes familles.
La fin du HLM à vie : une solution miracle ?
Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du Logement, l’a annoncé clairement : les ménages dont les revenus dépassent les plafonds d’éligibilité pendant deux années consécutives devront quitter leur logement HLM dans un délai de 18 mois. L’objectif est louable — fluidifier le parc social, libérer des logements pour les plus précaires, réduire la file d’attente qui dépasse les 2,5 millions de demandes à l’échelle nationale.
Pourtant, cette mesure soulève une question centrale : où vont ces familles une fois sorties du système ? Pour beaucoup, la réponse est simple : vers le parc locatif privé, avec des loyers souvent incompatibles avec leur budget réel — surtout dans les zones tendues.
Le cas de Sonia : entre injustice et absurdité administrative
Interrogée dans l’émission Estelle Midi sur RMC Story, Sonia dépeint une situation kafkaïenne. Après avoir reçu un courrier de la Caleol — l’organisme chargé du réexamen des droits au logement social —, elle n’a eu d’autre choix que de partir. « Le courrier était extrêmement agressif », témoigne-t-elle. « Comme si j’avais triché. Alors que j’ai juste travaillé plus. »
Elle remplissait deux conditions cumulatives : ses ressources avaient dépassé le seuil autorisé, et le nombre d’enfants vivant sous son toit avait baissé. Résultat : perte d’éligibilité. Mais lorsqu’elle a demandé un relogement adapté — plus petit, mais abordable —, on lui a proposé un appartement au loyer multiplié par deux.
La pénurie cachée des grands logements
Son témoignage dénonce aussi un autre dysfonctionnement structurel. « J’ai attendu 17 ans pour avoir quatre chambres », rappelle-t-elle. Pendant des années, ses enfants ont dormi à deux par pièce. Aujourd’hui, ceux qui occupent son ancien logement n’ont que deux enfants.
« Il n’y a presque pas de grands logements dans le parc social », souligne-t-elle. « Dès que vous avez besoin de trois chambres, c’est presque impossible. » À Lille, le délai d’attente moyen avoisine les huit ans — mais cette moyenne masque des écarts abyssaux. « Certains l’ont en deux mois. Moi, en 17 ans. Alors la moyenne, elle ne sert à rien. »
Réformer oui, mais avec quoi ?
La volonté de Vincent Jeanbrun de mettre fin au HLM à vie répond à une urgence réelle : la saturation du parc social. Mais sans construction massive de nouveaux logements — en particulier de logements familiaux — et sans encadrement effectif des loyers dans le privé, la réforme risque de devenir une punition pour les classes moyennes en ascension.
Car sortir du HLM ne signifie pas accéder à un logement stable ou abordable. Cela signifie souvent basculer dans une précarité différente — celle du loyer qui étouffe, du déménagement forcé, de l’instabilité pour les enfants. Si la mobilité est nécessaire, elle ne peut reposer uniquement sur l’éviction. Elle doit s’accompagner de solutions concrètes. Sans quoi, la fin du HLM à vie ne sera qu’une fin de non-recevoir pour des milliers de familles.
