12 heures de plus au travail ? Le Sénat déchaîne la colère
Le Sénat a mis le feu aux poudres. Samedi, à l’occasion du débat sur le budget de la Sécurité sociale pour 2026, les sénateurs ont adopté un amendement pour augmenter le temps de travail annuel de 12 heures — sans compensation salariale directe. Porté par le centriste Olivier Henno (UDI), ce texte, justifié par un objectif de redressement des comptes publics, ravive un débat vieux de vingt ans : faut-il faire travailler les Français davantage pour sauver la Sécu ? La réponse, dans un climat social tendu, ne fait pas consensus. Loin de là.
Qui propose quoi, et pourquoi ?
Olivier Henno défend une logique chiffrée : « Douze heures par an, c’est 15 minutes par semaine. » Selon lui, ce « petit effort » permettrait de générer plus de 10 milliards d’euros de richesse supplémentaire. L’objectif affiché ? Réduire le déficit de la Sécurité sociale, qui s’annonce massif en 2026, sans recourir à de nouvelles hausses d’impôts ou de cotisations.
Pour le sénateur, il ne s’agit pas de revenir sur les 35 heures, mais d’« adapter le temps de travail à la réalité économique ». Une vision pragmatique… ou idéologique, selon les camps.
Une mesure isolée, dans un climat budgétaire bloqué
Malgré son adoption au Sénat (199 voix contre 135), l’amendement a très peu de chances de devenir loi. L’Assemblée nationale, à majorité de gauche, rejette en bloc ce type de mesure. Le gouvernement lui-même, par la voix du ministre du Travail Jean-Pierre Farandou, a qualifié l’initiative de « lourde », tout en reconnaissant l’urgence du défi financier.
Plutôt que de l’inscrire dans le budget 2026, Farandou préfère renvoyer le sujet à la conférence sociale Travail et retraites du 5 décembre, où il pourra être débattu dans un cadre plus large — et moins connoté.
La gauche crie à l’injustice sociale
Pour les parlementaires de gauche, cette proposition est une provocation. « C’est une mesure arbitraire et injuste », a lancé le député socialiste Simon Uzenat. « Comment parler d’effort minime à des infirmières, des aides à domicile ou des ouvriers en usine ? »
Le reproche est clair : cette idée ignore la pénibilité réelle du travail et repose sur une vision uniforme du salarié — comme si tous disposaient de la même marge de manœuvre horaire.
Un schéma connu : des annonces qui ne passent jamais
Ce n’est pas la première fois que le Sénat tente de rallonger le temps de travail. En 2024, il avait voté en faveur d’une deuxième journée de solidarité, non rémunérée, pour financer la dépendance. L’année précédente, François Bayrou proposait de supprimer deux jours fériés. Aucune de ces mesures n’a jamais vu le jour.
Pourquoi revenir à la charge ? Certains y voient une volonté d’occuper le terrain médiatique. D’autres, une stratégie pour forcer le débat national sur la durée du travail en France à l’approche des échéances sociales de fin d’année.
Et si la solution n’était pas de travailler plus… mais mieux ?
Alors que le taux d’emploi stagne et que de nombreux secteurs peinent à recruter, l’idée de simplement augmenter le temps de travail salarié semble déconnectée. Les économistes soulignent que la croissance passe désormais par l’amélioration de la productivité, la formation, l’innovation… et non par l’allongement mécanique des horaires.
Les Français, eux, ne demandent qu’une chose : être écoutés. Pas sommés.
