Expulsion des HLM : le ministre du Logement veut frapper fort contre les délinquants
Une mesure déjà appliquée… mais trop rarement
Depuis l’été 2025, une loi permet d’expulser les locataires de HLM impliqués dans le narcotrafic. Pourtant, en pratique, ces expulsions restent exceptionnelles. « Au fond, c’est une chance un logement social », rappelle Vincent Jeanbrun. « C’est la solidarité nationale qui cofinance l’habitat de familles qui n’auraient pas les moyens de se loger dans le privé. »
Vincent Jeanbrun : «Quand on trafique, quand on est un voyou, on perd le droit à la solidarité nationale», dans #LaGrandeInterview pic.twitter.com/aL7mQCviCM
— CNEWS (@CNEWS) October 30, 2025
Le ministre souhaite désormais élargir ce dispositif à tous les comportements délinquants : vols répétés, menaces, dégradations. « Quelqu’un qui vole des voitures régulièrement, qui dégrade le matériel, qui menace… devrait pouvoir être expulsé », a-t-il déclaré dans la Grande Interview Europe 1-CNews.
« On perd le droit à la solidarité nationale »
Sa formule est sans ambiguïté : « Quand on trafique, quand on est un voyou, je pense qu’on perd le droit à la solidarité nationale. » Une logique déjà appliquée à Nice, où le maire Christian Estrosi a mis en place un dispositif inter-institutionnel avec le parquet, la police et les bailleurs sociaux pour accélérer les expulsions.
Mais à l’échelle nationale, peu de maires osent franchir le pas. Les procédures sont longues, coûteuses, et nécessitent des preuves solides : lien entre les faits et le logement, identité des auteurs, absence de paiement des loyers dans certains cas… Autant d’obstacles qui freinent l’action locale.
Et les familles dans tout ça ?
La question la plus sensible concerne les proches du délinquant. Le bail HLM impose une occupation « paisible ». Mais que faire quand un mineur commet des actes de délinquance ? Ou quand un adulte trafique depuis le domicile familial ?
Vincent Jeanbrun a d’abord répondu « oui » à l’idée d’expulser aussi les familles. Son cabinet a ensuite nuancé : l’objectif n’est pas de punir les innocents, mais d’inciter les parents à « reprendre leurs enfants en main ».
Un risque d’atteinte aux libertés fondamentales ?
Pour Me Jonathan Bellaiche, avocat en droit immobilier, étendre l’expulsion aux membres non impliqués de la famille serait « invraisemblable » et contraire aux libertés fondamentales. « On ne peut pas payer pour les actes d’un autre, simplement parce qu’on partage le même toit », souligne-t-il.
En revanche, si le délinquant est mineur, la responsabilité parentale entre en jeu. Et dans ce cas, les tribunaux peuvent effectivement sanctionner les parents — y compris via la perte du logement social.
Un défi pour les maires et les bailleurs
Le vrai frein ne vient pas seulement de la loi, mais de sa mise en œuvre. Comme le rappelle Romain Rossi-Landi, avocat spécialisé, « le maire doit prouver que les faits se sont produits à proximité du logement et que l’auteur est bien titulaire du bail ou membre du foyer ».
Beaucoup renoncent face à la complexité. Pourtant, selon le ministre, 5 à 6 millions de Français vivent dans des quartiers « gangrenés » par la délinquance. « Il faut absolument les protéger », insiste-t-il, annonçant un déplacement à Franconville (Val-d’Oise) aux côtés du maire Xavier Melki, qui a déjà mené plusieurs expulsions.
Dans un contexte tendu autour du logement social en France, cette proposition relance un débat crucial : jusqu’où peut-on aller pour préserver la tranquillité des honnêtes citoyens sans sacrifier les principes républicains ?
