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Justice en péril : l’ancien juge Claude Buttin brise le silence

Il a porté la robe noire pendant quarante ans. Il a vu passer des milliers de dossiers, des innocents brisés par l’attente, des coupables libérés par vice de forme, des collègues épuisés par la charge de travail. Aujourd’hui à la retraite, Claude Buttin n’a plus rien à perdre. Et c’est précisément ce qui fait la force de son témoignage. Dans des propos crus et sans concession, il tire à boulets rouges sur un système qu’il dit enlisé, sous-équipé, et progressivement déconnecté des citoyens. Ce n’est pas une critique. C’est une autopsie. Et elle concerne rien de moins que la santé de la justice française.

Des procédures qui n’en finissent plus


Le premier constat, selon Claude Buttin, est celui de la lenteur. “Un justiciable attend aujourd’hui plus longtemps qu’il y a vingt ans. Et pourtant, on nous parle de modernisation.” Dans certains tribunaux, les délais pour une simple affaire correctionnelle dépassent quatre ans. Pour une affaire de violences conjugales, la victime doit souvent attendre trois ans avant de voir son agresseur jugé.

“Quand vous arrivez en audience, vous avez oublié les faits, les émotions se sont émoussées, et l’accusé a eu tout le temps de se préparer à mentir. C’est une justice de deux poids, deux mesures.” Pire : dans les affaires civiles, comme les conflits de voisinage ou les litiges familiaux, les délais atteignent parfois six ans. “On ne rend plus la justice. On l’enterre.”

Des moyens en chute libre

L’ancien magistrat décrit un système à bout de souffle. “Les greffes sont vides. Les secrétaires partent à la retraite, leurs postes ne sont pas pourvus. Les ordinateurs plantent tous les jours. Et on nous demande de rendre plus de décisions, plus vite.” Il évoque des audiences annulées faute de sténographie, des dossiers perdus, des audiences à 7 heures du matin pour rattraper le retard.

Selon lui, la Chancellerie a lancé des réformes “en trompe-l’œil” : digitalisation partielle, réorganisation administrative… mais sans recrutement massif ni investissement réel. “On vous montre une application nouvelle, mais personne n’a été formé pour s’en servir. C’est du spectacle, pas de la transformation.”

Pressions, hiérarchie, omerta

Ce que Claude Buttin dénonce avec le plus de gravité, c’est la culture du silence. “On ne parle pas des dysfonctionnements. On ne critique pas les décisions. On ne remet pas en cause la hiérarchie.” Selon lui, les magistrats sont soumis à une pression indirecte, notamment dans les affaires sensibles : délits financiers, responsabilités publiques, affaires politico-médiatiques.

“Il y a des sujets tabous. Des dossiers qu’on traite avec des pincettes. Et quand un collègue veut aller trop loin, il est muté dans un trou perdu. C’est un système d’autocensure.” Il évoque même des cas où des juges ont été “orientés” par des courriers non officiels, émanant de cabinets ministériels.

Une institution en crise de légitimité

Le résultat, c’est une perte de confiance croissante. “Les gens ne croient plus en la justice. Ils pensent qu’elle est lente, inéquitable, ou manipulée.” Une enquête de l’IFOP de 2024 révèle que moins de 35 % des Français ont “une grande confiance” dans les tribunaux. Un chiffre historiquement bas.

Et pourtant, insiste Claude Buttin, la justice reste le fondement de la démocratie. “Sans elle, c’est la loi du plus fort qui s’impose.” Mais pour retrouver sa crédibilité, elle doit cesser de se protéger elle-même. “Il faut une transparence totale. Des indicateurs publics de performance. Des audits indépendants. Et surtout, permettre aux magistrats de parler sans risquer leur carrière.”

Un appel à la réforme, pas à la destruction

L’ancien juge ne veut pas détruire le système. Il veut le sauver. Il propose un plan d’urgence : recrutement de 5 000 greffiers et magistrats, rénovation des locaux judiciaires, création d’un organe indépendant de contrôle interne, et une réforme de la gouvernance pour réduire les interférences politiques.

“On ne demande pas la lune. On demande de pouvoir faire notre travail.” Car, dit-il, “quand la justice trébuche, c’est toute la République qui vacille.”

Karim

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