Choc budgétaire : les détenus bientôt obligés de financer leur propre incarcération ?
Et si chaque jour passé derrière les barreaux se soldait par une facture envoyée au détenu ? Une proposition de loi inédite, déposée à l’Assemblée nationale, envisage désormais de faire participer les personnes incarcérées au financement de leur détention — un sujet explosif dans un contexte de tensions budgétaires croissantes. Alors que le coût moyen d’un prisonnier atteint 128 euros par jour, cette idée, loin d’être théorique, pourrait bien redéfinir les fondements de la solidarité pénale en France.
Un coût carcéral en constante augmentation
En 2024, la France comptait environ 78 000 personnes incarcérées, selon les chiffres du ministère de la Justice. À 128 euros par jour et par détenu, l’État dépense près de 3,7 milliards d’euros par an pour maintenir le système pénitentiaire. Ce montant ne cesse de croître en raison de la surpopulation carcérale, du vieillissement des infrastructures et des exigences accrues en matière de sécurité et de respect des droits humains.
Pour mettre ces chiffres en perspective : cette somme équivaut à plus de la moitié du budget annuel du ministère de la Culture. Une pression budgétaire qui pousse certains parlementaires à envisager des solutions radicales.
La proposition de loi qui fait débat
Déposée en novembre 2024 par un groupe transpartisan de députés, la proposition de loi n°2378 vise à introduire un mécanisme de participation financière obligatoire des détenus à leurs frais de détention. L’idée n’est pas nouvelle — plusieurs pays, dont l’Allemagne ou la Suisse, appliquent déjà des systèmes similaires — mais elle suscite une vive controverse en France.
Concrètement, le texte prévoit que tout détenu disposant de ressources — salaire d’activité en prison, soutien familial, biens personnels — pourrait être mis à contribution jusqu’à concurrence de 30 % de ses revenus mensuels. Les personnes sans ressources seraient exemptées, afin d’éviter toute double peine sociale.
Des arguments opposés, des enjeux sociétaux profonds
Les partisans de cette mesure y voient un levier de responsabilisation. « Faire payer ceux qui ont les moyens, c’est redonner du sens à la sanction pénale », affirme l’un des signataires du texte. D’autres mettent en avant l’équité : pourquoi les citoyens honnêtes devraient-ils assumer seuls le coût d’une infraction qu’ils n’ont pas commise ?
À l’inverse, les critiques soulignent des risques majeurs : stigmatisation accrue, frein à la réinsertion, et creusement des inégalités entre détenus. « On ne réinsère pas en appauvrissant davantage les plus fragiles », rappelle la Ligue des droits de l’homme dans un communiqué publié en décembre 2024.
Et si le débat dépassait le simple calcul budgétaire ?
Au-delà des chiffres, cette proposition interroge la philosophie même de la peine de prison. S’agit-il d’une sanction, d’une réparation, ou d’une opportunité de réhabilitation ? Imposer un coût financier revient-il à transformer la justice en service facturé — ou à réaffirmer le principe de responsabilité individuelle ?
Dans un pays où les inégalités sociales pèsent lourdement sur l’accès à la justice, cette initiative ouvre un débat de fond, bien plus large que la simple gestion des finances publiques.
