Brigitte Macron s’engage pour les enfants ukrainiens : légitimité ou dérapage diplomatique ?
Lors d’une récente rencontre avec Olena Zelenska, première dame d’Ukraine, Brigitte Macron a déclaré avec émotion : « Nous allons vous aider de toutes nos forces, le président et moi. » L’engagement portait sur le soutien à des centres de protection de l’enfance en Ukraine, notamment via des levées de fonds et des formations en santé mentale. Une promesse généreuse. Mais aussitôt relayée, elle a ravivé un débat ancien : au nom de qui parle-t-elle ? Et surtout, par qui est-elle élue ?
À quel titre Brigitte Macron s’exprime-t-elle en notre nom ?? Par qui est-elle élue ? pic.twitter.com/rrvgRpoZHp
— Gabriel de Varenne (@G_deVarenne) December 2, 2025
Un rôle sans mandat, mais avec une influence réelle
En France, la fonction de « première dame » n’existe pas dans la Constitution. Aucun texte ne la définit, aucun budget officiel ne la finance entièrement, et surtout, aucune élection ne la légitime. Pourtant, depuis plusieurs décennies, les conjoints des chefs d’État assument des missions de représentation, souvent centrées sur des causes humanitaires, éducatives ou sociales.
Brigitte Macron, ancienne professeure, a choisi de se concentrer sur la protection de l’enfance, la lutte contre le harcèlement scolaire et la santé mentale des jeunes. Ces sujets, transpartisans et urgents, lui ont valu un certain capital de sympathie. Mais chaque fois qu’elle prononce un « nous », surtout à l’international, la question revient : ce « nous » inclut-il le peuple français ?
La promesse à l’Ukraine : un geste diplomatique ou une surenchère personnelle ?
Rencontrant Olena Zelenska à Paris en novembre 2025, Brigitte Macron a confirmé son appui concret à la reconstruction de structures d’accueil pour les enfants traumatisés par la guerre. Ce soutien s’inscrit dans le cadre de l’initiative « Premières Dames pour l’Enfance », lancée en 2023 sous l’égide de l’UNICEF et de l’Union européenne. Elle prévoit notamment des échanges de bonnes pratiques entre professionnels français et ukrainiens, ainsi que des campagnes de financement via la Fondation de France.
Officiellement, l’Élysée insiste : il ne s’agit pas d’une « diplomatie parallèle », mais d’un « appui complémentaire » à l’action de l’État. Pourtant, le flou institutionnel persiste. Car si le président agit au nom de la République, Brigitte Macron agit… au nom de quoi ? De sa conscience ? De sa notoriété ? Ou, plus simplement, de son rôle personnel auprès du chef de l’État ?
Une légitimité morale, pas politique
Les Français sont partagés. Selon un sondage IFOP de décembre 2024, 58 % estiment que la première dame « peut utilement porter certaines causes », mais 67 % jugent qu’elle « ne devrait jamais parler au nom de la France ». Ce paradoxe résume bien le malaise : on apprécie l’action, mais on refuse la confusion des registres.
Contrairement à d’autres démocraties — comme les États-Unis, où le rôle de la First Lady est institutionnalisé — la France n’a jamais formalisé cette position. Résultat : chaque intervention de Brigitte Macron, même bien intentionnée, est scrutée à la loupe. Surtout lorsqu’elle utilise des formules comme « le président et moi », qui évoquent un couple exécutif… alors que seul l’un des deux a été élu.
Vers une clarification nécessaire ?
Plusieurs députés, de la majorité comme de l’opposition, ont récemment réclamé une charte de transparence sur les activités de la première dame : budget, missions, statut juridique. Une proposition rejetée à ce jour par l’Élysée, qui y voit une « ingérence dans la sphère privée ».
Pourtant, dans un monde où chaque parole publique est amplifiée par les réseaux sociaux, la frontière entre épouse et représentante se brouille. Et quand Brigitte Macron dit « nous allons vous aider », les Ukrainiens entendent une promesse de la France. C’est là, précisément, que réside le risque.
