133 000 € d’argent public pour « apprendre à sourire » : le coaching controversé de Jordan Bardella au Parlement européen
Apprendre à sourire. Paraître plus sérieux. Maîtriser le regard caméra. Voilà, selon des documents internes, les objectifs d’un coaching médiatique financé à hauteur de 133 000 euros par le Parlement européen — et destiné à Jordan Bardella, président du Rassemblement national. Une somme colossale, prélevée sur les fonds publics, pour affiner une image politique jugée trop juvénile ou peu convaincante.
Si les partis politiques européens disposent légalement d’enveloppes pour former leurs élus, l’ampleur, la nature et les conditions d’attribution de cette dépense suscitent désormais de vives critiques. D’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte déjà marqué par des affaires de détournement de fonds impliquant le même parti.
Une société inattendue au cœur du dispositif
Le marché a été attribué à une entreprise nommée Humeau, sélectionnée par le groupe parlementaire Identité et Démocratie — la famille politique du RN au Parlement européen. Pourtant, cette structure ne figurait pas parmi les prestataires habituels de formations institutionnelles. Elle n’avait ni expérience avérée dans le coaching politique, ni références dans les institutions européennes.
Pire : selon plusieurs sources, l’appel d’offres aurait été rédigé de façon à favoriser précisément cette société, sur proposition directe de Jordan Bardella lui-même. Un procédé qui, s’il était confirmé, irait à l’encontre des principes de transparence et de concurrence exigés par le règlement européen.
« Coquille vide » : les confidences du coach
Les séances, décrites comme intensives, auraient duré plusieurs mois. Au programme : travail de la voix, gestion du stress en plateau télévisé, posture corporelle, et même… la façon de sourire « sans paraître forcé ». Selon des témoignages relayés par des journalistes d’investigation, le coach aurait un temps qualifié Bardella de « coquille vide », soulignant un écart entre son image médiatique et sa profondeur politique.
Ironie du sort : ce même coaching, censé corriger cette perception, est aujourd’hui utilisé par ses détracteurs comme preuve d’un artifice de façade.
Un précédent lourd : les 4 millions détournés
Cette affaire ne tombe pas du ciel. En 2018, le Rassemblement national a été condamné pour avoir détourné près de 4 millions d’euros de subventions européennes en employant de faux assistants parlementaires. La justice européenne a tranché : les fonds ont dû être remboursés, et plusieurs cadres du parti ont été mis en cause.
Dans ce contexte, une nouvelle dépense — même légale — alimente les soupçons. Surtout lorsqu’elle sert à « fabriquer » une image plutôt qu’à renforcer des compétences techniques ou législatives.
Formation ou mise en scène ? La frontière trouble
Le règlement du Parlement européen autorise les groupes à financer des formations pour leurs députés. Mais où s’arrête la pédagogie… et où commence la mise en scène ? Apprendre à structurer un discours, c’est légitime. Apprendre à sourire « comme un chef d’État », c’est plus discutable.
Cette ambiguïté pose une question démocratique fondamentale : l’argent public doit-il servir à polir l’image d’un homme… ou à renforcer la qualité du débat public ?
Silence médiatique, mais indignation citoyenne
Malgré l’ampleur des sommes en jeu, l’affaire n’a pas fait la une des grands médias nationaux. Pourtant, sur les réseaux sociaux, elle circule largement. De nombreux citoyens s’interrogent : pourquoi un jeune élu a-t-il besoin de 133 000 € pour « apprendre à faire sérieux » ? Et surtout, pourquoi cet argent ne sert-il pas à financer des politiques concrètes ?
À l’approche des prochaines échéances électorales, cette histoire risque de revenir — en particulier si d’autres cas similaires émergent. Car dans une ère de défiance envers les élites, chaque euro mal expliqué devient une étincelle.
