Voile des mineures : Laurent Wauquiez relance un débat explosif avec une proposition de loi
Alors que la France peine à trancher durablement sur les questions de laïcité et de liberté religieuse, Laurent Wauquiez remet le feu aux poudres. Le président des députés Les Républicains (LR) a déposé lundi une proposition de loi visant à interdire le port du voile islamique aux mineures dans l’espace public. Officiellement, l’objectif est de protéger les enfants. En réalité, le texte rouvre une polémique vieille de plus de deux décennies, avec une formulation ciblant explicitement la chevelure — et donc, dans les faits, le voile islamique.
Pourquoi maintenant ?
Le timing n’est pas anodin. Laurent Wauquiez s’appuie sur un rapport gouvernemental récent évoquant une « hausse massive et visible » du port du voile chez les jeunes filles. Il justifie son initiative par trois arguments clés : la protection de l’enfant, la liberté de conscience, et l’égalité femmes-hommes. Pour lui, le voile imposé à des mineures constituerait une forme d’emprise familiale incompatible avec les valeurs républicaines.
Pourtant, le débat n’est pas neuf. En mai 2025 déjà, le Premier ministre Gabriel Attal avait évoqué une mesure similaire, mais uniquement pour les moins de 15 ans — sans jamais la concrétiser. La proposition de Wauquiez va plus loin : elle vise toutes les mineures, sans distinction d’âge, et s’inscrit dans une logique d’élargissement de la loi de 2010 sur la dissimulation du visage.
Une loi inconstitutionnelle ?
Des voix s’élèvent dès à présent pour dénoncer une initiative juridiquement fragile. Plusieurs juristes spécialisés en droit public estiment que le texte ne résisterait pas à un contrôle du Conseil constitutionnel.
« Ce dispositif n’a aucune chance d’être conforme à la Constitution », affirme la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina. La loi de 2010 repose sur un objectif de sécurité publique — identifier les individus — et ne vise aucune croyance en particulier. En ciblant expressément une pièce vestimentaire religieuse, la proposition de loi franchirait une ligne rouge : celle du principe de liberté de religion.
Le piège du « mimétisme » versus la « conviction »
Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, souligne une autre difficulté. « Une fillette de 9 ans peut porter le voile par mimétisme familial, mais une adolescente de 16 ans peut très bien le faire par conviction personnelle », rappelle-t-il. Considérer systématiquement le voile comme un signe d’oppression revient à nier l’autonomie progressive des mineures, surtout à l’approche de la majorité.
De plus, la logique sécuritaire — valable pour le niqab ou la burqa — ne s’applique pas au simple fait de couvrir la chevelure. Rien n’empêche l’identification d’une personne portant un foulard. Ici, la loi proposée ne répond donc ni à un besoin de sécurité, ni à une urgence législative avérée.
Un enjeu politique plus qu’un enjeu juridique
L’examen de la proposition n’interviendra pas avant le 22 janvier 2026, date de la prochaine niche parlementaire du groupe LR. D’ici là, le texte servira surtout de tribune politique. Dans une France tendue par les débats sur l’islam, l’immigration et l’identité nationale, Wauquiez semble préparer son positionnement en vue de la présidentielle de 2027.
Le débat dépasse largement le cadre législatif. Il interroge la place de la religion dans l’espace public, la limite entre protection de l’enfance et ingérence dans la vie privée, et surtout la capacité de la République à concilier égalité et liberté de culte sans stigmatiser une communauté.
En attendant, les juristes restent clairs : sans un changement radical de fondement juridique, cette proposition de loi risque de finir aux oubliettes constitutionnelles — là où tant d’autres textes similaires ont déjà échoué.
