Propriétaires en colère : jusqu’où iront-ils pour reprendre leur logement squatté ?
Depuis l’adoption de la loi anti-squat en juillet 2023, les propriétaires espéraient enfin retrouver leurs biens sans bataille. Mais la réalité judiciaire reste lente, complexe… et souvent impuissante. Certains, à bout, franchissent désormais la ligne jaune. Et si cela les conduit devant les tribunaux ?
Une loi renforcée, mais des résultats mitigés
La loi n° 2023-668, promulguée le 27 juillet 2023, a durci les sanctions contre l’occupation illégale : jusqu’à trois ans de prison et 45 000 € d’amende pour les squatteurs. Pourtant, les délais d’expulsion restent longs, les procédures administratives labyrinthiques. Résultat : de plus en plus de propriétaires craquent.
« On fait le tour de toutes les institutions… et on reçoit une claque »
Guy, citoyen lambda confronté au squat de sa maison, résume l’impuissance ressentie par des milliers de Français. Après avoir démarché avocats, huissiers, gendarmerie et services sociaux sans succès, il a installé sa caravane dans le jardin de son propre logement. Objectif : rendre la cohabitation insupportable. Pas violent, mais symboliquement puissant.
L’émergence d’un marché parallèle : les « délogistes »
Certains propriétaires, pressés ou découragés, choisissent une voie plus radicale : recourir à des mercenaires de l’expulsion. Ces « spécialistes » proposent de reprendre possession des lieux à la manière des squatteurs : effraction discrète, changement de serrure, intimidation. Leur tarif ? Entre 5 000 et 10 000 € — surtout « si cela devient violent ».
Leur méthode contourne totalement la procédure légale d’expulsion, exposant les propriétaires à de lourdes sanctions : jusqu’à trois ans de prison et 30 000 € d’amende. Une ironie du sort : ceux qui devraient être protégés par la loi risquent de devenir des délinquants.
Des juges qui commencent à pencher du côté des propriétaires
Pourtant, un changement subtil semble s’amorcer dans les tribunaux. Récemment, un juge des contentieux de la protection a ordonné l’expulsion immédiate d’un squatteur, assortie d’une astreinte de 50 € par jour de retard. Un précédent salué par Me Romain Rossi-Landi, avocat en droit immobilier, qui n’avait jamais vu une telle mesure en des années de pratique.
Cette décision illustre une évolution : si la justice condamne fermement les expulsions illégales, elle devient plus ferme envers les occupants sans droit ni titre. Mais la frontière reste mince entre légitime défense du droit de propriété et justice expéditive.
Pourquoi tant de frustration ?
Le problème ne vient pas seulement de la loi, mais de son application sur le terrain. Entre les délais pour obtenir une ordonnance d’expulsion, les recours possibles des occupants, et le manque de moyens des forces de l’ordre, les propriétaires restent souvent piégés pendant des mois — voire des années.
Dans ce vide sécuritaire, le risque est clair : une dérive où chacun devient juge de sa propre cause. Pourtant, la solution durable ne réside ni dans la violence ni dans le marché noir de la sécurité, mais dans une application rapide et efficace de la loi anti-squat.
