Philippe Aghion, Nobel d’Économie, exige un « stop » immédiat de la réforme des retraites jusqu’en 2027
Alors que le gouvernement s’apprête à présenter le projet de loi de finances 2026, le nouveau prix Nobel d’Économie, Philippe Aghion, lance un appel sans ambiguïté : suspendre la réforme des retraites jusqu’à l’élection présidentielle de 2027. Invité de France 2 lundi 13 octobre 2025, l’économiste propose une pause stratégique à 62 ans et 9 mois — l’âge légal actuel — pour apaiser les tensions sociales et politiques. Une position qui relance le débat sur l’âge de départ à la retraite en France, alors que le Premier ministre Sébastien Lecornu ouvre la porte à une discussion sur une éventuelle suspension.
Pourquoi suspendre la réforme des retraites maintenant ?
« Je pense qu’il faut arrêter l’horloge maintenant jusqu’aux élections présidentielles », a déclaré Philippe Aghion. Selon lui, maintenir l’âge légal à 62 ans et 9 mois jusqu’en 2027 constituerait une mesure « peu coûteuse » mais efficace pour « calmer les choses ». Il insiste : cette pause ne signifie pas l’abandon définitif de la réforme, mais un report conditionnel. « Si rien ne se passe, ça reprend en 2027 », précise-t-il.
Cette proposition intervient à un moment critique. Le projet de budget 2026 sera présenté mardi en conseil des ministres, et le gouvernement fait face à des pressions croissantes — notamment du Parti socialiste — pour suspendre la mise en œuvre de la réforme contestée. L’idée d’un moratoire gagne du terrain dans un contexte de défiance citoyenne et de crise de légitimité démocratique.
Un Nobel pour une vision économique engagée
Philippe Aghion, récompensé pour ses travaux pionniers sur la croissance endogène et l’innovation, n’en est pas à son premier avis tranché sur les politiques publiques. Déjà critique de la fameuse « taxe Zucman », il réaffirme ici sa préférence pour une justice fiscale ciblée : « Il faut qu’il y ait un effort des hauts patrimoines », mais sans « toucher l’outil productif » ni « ceux qui cherchent à innover ».
Il pointe toutefois un « abus des holdings familiales », qu’il juge légitime de taxer plus sévèrement. Cette nuance illustre sa vision : une économie dynamique doit encourager l’innovation, mais aussi corriger les déséquilibres structurels.
Réforme des retraites 2025 : où en est-on ?
Depuis son adoption en 2023, la réforme des retraites continue de susciter des remous. L’âge légal de départ a été progressivement relevé, avec un calendrier d’indexation sur l’espérance de vie. En 2025, il atteint 62 ans et 9 mois, avant d’atteindre 64 ans d’ici 2030 selon le calendrier initial.
Mais face à la grogne persistante, plusieurs voix — syndicales, politiques, et désormais académiques — réclament une pause. Le nouveau cap fixé par Sébastien Lecornu, reconduit comme Premier ministre, reste flou. Pourtant, son ouverture à un « débat » sur la suspension marque un tournant.
Et après 2027 ?
Philippe Aghion n’a jamais caché son attachement à un âge de départ à 63 ans, assorti d’une clause de revoyure. « Je suis toujours pour un 63 ans plus revoyure », rappelle-t-il. Une position modérée, loin des extrêmes, mais qui exige un consensus démocratique — précisément ce qui manque aujourd’hui.
Dans un pays fracturé, où la question des retraites en France cristallise les inégalités et les peurs sociales, un moratoire jusqu’en 2027 pourrait offrir le temps nécessaire à une refondation du dialogue social. À condition que les prochaines élections présidentielles deviennent l’occasion d’un vrai débat — et non d’un affrontement idéologique.