« Les Français travaillent pour moi » : une déclaration virale relance le débat sur les aides sociales
Une vidéo circulant massivement sur les réseaux sociaux montre un jeune homme se présentant comme un « immigré africain » affirmant, avec un sourire provocateur : « Les Français travaillent pour moi, ce sont mes esclaves ! Je reçois 600 € du RSA, 300 € de la mission locale, 300 € de l’APL, et les travailleurs sociaux me paient l’électricité et le gaz. » Immédiatement partagée des centaines de milliers de fois, cette déclaration — qu’elle soit authentique ou mise en scène — a ravivé un débat sensible sur l’accès aux aides sociales, la fraude potentielle et la perception de l’immigration dans l’opinion publique.
Une vidéo sans contexte, mais à fort impact émotionnel
🇫🇷 « Les Français travaillent pour moi, ce sont mes esclaves ! Je reçois 600 € du RSA, 300 € de la mission locale, 300 € de l'APL et les travailleurs sociaux me paient l'électricité et le gaz », explique un immigré africain. Qu'en pensez-vous ? pic.twitter.com/n6wLB832Oc
— Wolf 🐺 (@PsyGuy007) October 17, 2025
La séquence, filmée dans ce qui semble être un appartement modeste, ne précise ni le lieu, ni la date, ni l’identité réelle du locuteur. Aucune source journalistique indépendante n’a pu vérifier l’authenticité de ses propos ni confirmer qu’il perçoit effectivement l’ensemble des prestations citées. Pourtant, son ton moqueur et sa formulation choc ont suffi à déclencher une vague de réactions indignées — et à alimenter des discours déjà présents dans certains cercles politiques.
Les spécialistes des réseaux sociaux soulignent que ce type de contenu, souvent dépourvu de vérification, prospère grâce à son potentiel émotionnel. Il joue sur des peurs réelles — celles de l’injustice perçue, de la surcharge du système social ou de l’abus de la solidarité nationale — même en l’absence de preuves concrètes.
Qu’en dit la réalité des chiffres ?
Examinons les montants évoqués. Le RSA (revenu de solidarité active) s’élève à environ 607 € par mois pour une personne seule sans activité en 2025. L’APL (aide personnalisée au logement) varie fortement selon la localisation et la taille du logement, mais dépasse rarement 300 € en province, et peut atteindre ce seuil à Paris. Quant aux aides de la mission locale, elles ne constituent pas une allocation régulière, mais des dispositifs ponctuels (garantie jeunes, accompagnement vers l’emploi, etc.), souvent conditionnés à un engagement actif.
Enfin, les travailleurs sociaux ne « paient » pas directement l’électricité ou le gaz. En revanche, des fonds d’aide sociale d’urgence (comme le Fonds de solidarité pour le logement) peuvent couvrir temporairement ces dépenses en cas de précarité avérée — après instruction d’un dossier et sous conditions strictes.
Autrement dit, la somme totale évoquée — 1 200 € mensuels plus les factures — correspond à un scénario théorique extrêmement rare, voire improbable, dans la pratique administrative française.
Quand la désinformation alimente la polarisation
Plutôt que de refléter une réalité systémique, cette vidéo illustre surtout la manière dont les discours simplifiés peuvent instrumentaliser la complexité du système de protection sociale. Selon une étude de l’Observatoire des inégalités (2024), moins de 3 % des bénéficiaires du RSA sont des étrangers non communautaires, et la majorité d’entre eux résident légalement en France depuis plus de cinq ans.
Par ailleurs, la Cour des comptes rappelle régulièrement que la fraude aux prestations sociales reste marginale — estimée à moins de 1 % du montant total versé — bien en deçà de la fraude fiscale ou de la fraude aux cotisations sociales.
Pour autant, l’impact de ce type de message ne doit pas être sous-estimé : il renforce la défiance envers les institutions, creuse les clivages sociaux, et détourne l’attention des vrais enjeux — comme la simplification administrative, l’accès au logement ou l’accompagnement vers l’emploi.