Philippe Aghion démonte le contre-budget du Rassemblement national : « Ce sont des grands amateurs »
Le prix Nobel d’économie 2025, Philippe Aghion, n’y va pas par quatre chemins. Invité sur RFI, il a vivement critiqué le contre-budget du Rassemblement national, le qualifiant d’« irréaliste », voire d’« amateur ». Ses cibles ? Des mesures fiscales et budgétaires présentées comme des économies miraculeuses, mais qui, selon lui, reposent sur des hypothèses fantaisistes ou inconstitutionnelles.
Pourquoi ce contre-budget fait polémique
Présenté la semaine dernière, le projet budgétaire alternatif du RN promet 36 milliards d’euros d’économies nettes : 50 milliards de baisses de dépenses contre 14 milliards de recettes en moins. Parmi les leviers avancés figurent notamment des coupes dans les dépenses liées à l’immigration, à la fraude sociale, aux opérateurs de l’État, et même aux contributions françaises à l’Union européenne.
Or, pour Philippe Aghion, ces chiffres ne tiennent pas la route. « Ce programme est irréaliste », a-t-il asséné, pointant du doigt des mesures « non applicables en 2026 », « non conformes à la Constitution » et « largement surestimées ».
Immigration et préférence nationale : des économies illusoires ?
Le RN estime pouvoir économiser près de 12 milliards d’euros grâce à des restrictions migratoires et à la mise en œuvre d’une préférence nationale. Mais selon l’économiste, ces projections sont déconnectées de la réalité juridique et économique. « Elles ne sont pas constitutionnelles », rappelle-t-il, soulignant que la Cour de justice de l’Union européenne s’oppose à toute discrimination fondée sur la nationalité dans l’accès aux prestations sociales.
Fraude sociale : un chiffre gonflé
Autre cible : les 5 milliards d’euros d’économies promises via la lutte contre la fraude sociale et fiscale. « Si l’on savait économiser 5 milliards, on le saurait », ironise Aghion. Le Haut conseil des finances publiques (HCFP) abonde dans son sens, jugeant déjà le plan gouvernemental peu crédible, avec un rendement réel estimé à seulement 1,5 milliard.
Europe : une économie qui coûte cher
Le RN propose aussi de réduire de 8,7 milliards les contributions françaises à l’Union européenne. Une idée que Philippe Aghion juge « contraire aux traités ». « La France reçoit de l’argent de l’Europe », rappelle-t-il. « Les premières victimes seraient les agriculteurs », qui dépendent fortement des fonds européens via la PAC.
Opérateurs de l’État : des chiffres « inventés »
Enfin, les 7 milliards d’économies promises sur les agences et opérateurs publics (Ademe, CNRS, ARS, Bpifrance…) relèvent, selon lui, de la pure invention. Un rapport sénatorial LR de juillet 2025 estime le potentiel réel à… 540 millions d’euros, soit plus de dix fois moins.
Un avertissement sans appel
Pour Philippe Aghion, ancien conseiller économique d’Emmanuel Macron en 2017 et professeur au Collège de France, à l’Insead et à la London School of Economics, le constat est clair : « Ce sont des grands amateurs. Ce ne sont pas des gens sérieux. Ils ne sont pas capables de gérer la France. »
Il affirme même faire « tout ce qu’il peut » pour empêcher le Rassemblement national d’accéder au pouvoir, redoutant ce qu’il appelle « le danger de l’arrivée du RN » à la tête de l’État.
