La chauve-souris qui a volé… mais pas vu
Dans l’ombre veloutée d’un parc endormi, trois chauves-souris se retrouvent pour leur rituel nocturne : potins, rires étouffés, et chasses improvisées. La lune brille, le vent murmure… tout est calme.
Soudain — froufrou d’ailes — l’une d’elles disparaît dans la nuit.
Dix minutes plus tard, elle revient, le museau luisant, les yeux brillants de satisfaction.
— Raconte ! Qu’as-tu trouvé ? demandent ses deux amies, suspendues à ses ailes.
— Vous voyez l’arrêt de bus, là-bas, près de la grille ?
— Oui, bien sûr !
— Un touriste anglais, endormi sur le banc… Je l’ai piqué, j’ai bu… Un arôme subtil, presque british. Délicieux.
Les deux autres hochent la tête, admiratives. La conversation reprend… jusqu’à ce qu’une deuxième s’envole, silencieuse comme une ombre.
Vingt minutes passent. Elle revient — le menton en sang, les pattes éclaboussées, un sourire de gourmande aux lèvres.
— Alors ?! Où étais-tu ?
— Vous voyez les bancs, le long de l’allée centrale ?
— Oui, oui !
— Une jeune femme blonde, cheveux au vent, sommeil profond… Je l’ai surprise, j’ai savouré… Un nectar floral, presque vanillé. Exquis.
Les deux copines, impressionnées, reprennent leurs bavardages… quand — swoosh — la troisième s’élance, sans un mot.
Cinq minutes… Dix… Vingt… Trente.
Elle revient — mais cette fois, c’est le chaos : du sang partout. Sur son ventre. Sur ses ailes. Jusque dans ses oreilles. Ses amies en tombent presque de leur branche.
— PAR LES AILES DE DRACULA, QU’AS-TU FAIT ?!
La troisième chauve-souris, épuisée, tente un sourire penaud :
— Vous voyez… l’arbre… juste à côté du kiosque à journaux ?
— OUI, OUI, ON LE VOIT TOUJOURS ! répondent-elles, exaspérées.
— Eh bien… moi… je ne l’ai pas vu.
(Un silence. Puis un rire qui résonne jusqu’à l’aube.)