Baiser, mon chien au nom interdit – Une histoire vraie (ou presque)
Excellente !
J’ai toujours voulu un chien avec un nom qui marque. Quelque chose de doux, d’émouvant, de tendre. Alors j’ai choisi Baiser. Comme un baiser sur la joue. Un truc mignon. Innocent. Sauf qu’au fil du temps, j’ai compris que Baiser, ce n’était pas juste un mot. C’était une malédiction sociale.
Premier épisode : la mairie. Je débarque, tout fier, pour enregistrer mon chien et payer la taxe.
— Je viens pour la taxe de Baiser, je dis au percepteur.
Il me regarde, soupire, puis :
— Non, monsieur, il n’y a pas encore de taxe sur les relations intimes.
— Mais c’est un chien ! je m’énerve.
— Oui, bon, les zoophiles, on sait… mais la loi interdit, pas fiscalise.
— J’ai Baiser depuis mes neuf ans ! je crie, désespéré.
Il m’a foutu dehors. Sans facture. Sans pitié.
Ensuite, la lune de miel. Oui, j’ai emmené Baiser. C’était mon bébé. Et comme je voulais dormir, j’ai demandé une chambre séparée.
— Pourriez-vous me réserver une chambre pour Baiser ? je demande à la réceptionniste.
Elle me sourit, très sérieuse :
— Toutes nos chambres sont équipées pour ça.
— Non, non, Baiser me réveille toute la nuit !
— Ah, dit-elle, soulagée. À moi aussi, ça m’empêche de dormir.
Je n’ai jamais su si elle parlait du bruit… ou du concept.
Puis, le concours canin. Je me dis : Baiser mérite sa gloire. Je me présente à l’entrée.
— Vous êtes là pour quoi ? me demande le type au badge.
— Pour Baiser.
— Ah. Vous faites dans l’underground ? Il faudrait imprimer des cartes privées, vendre ça à 50 balles.
— Le concours est télévisé ? je demande, naïf.
Il me regarde comme si j’étais un pervers de TPMP.
Un jour, Baiser tombe malade. Vétérinaire d’urgence. Le lendemain, je vais le chercher.
— Milou ? Médor ? Paf ? me demande l’assistante en feuilletant ses dossiers.
— Et Baiser ? je propose, tout doucement.
Claque. Une baffe en plein visage.
Sans commentaire.
Ce même jour, catastrophe : Baiser s’échappe. Je le cherche partout. J’atterris au refuge.
— Que voulez-vous ? me demande le gardien, méfiant.
— Baiser.
— Écoutez, monsieur, ici on soigne les animaux, on ne pratique pas ce genre de service.
Je suis ressorti en silence. Avec un début de complexe.
La nuit, je le cherche dans tout le quartier. 4 heures du matin. Un flic m’interpelle.
— Qu’est-ce que vous faites ici, à cette heure ?
— Je veux juste Baiser. Rien d’autre.
Il m’a embarqué. Sans négociation. Sans humour.
Et puis, le divorce. Devant le juge, ma femme et moi, on règle le partage.
— Votre Honneur, j’avais Baiser avant le mariage, je plaide. Je veux le garder.
Le juge me regarde. Silence. Puis :
— Et alors ? Moi aussi.
Je n’ai jamais su s’il parlait du chien… ou du reste.
Mais depuis ce jour, je l’ai rebaptisé Tartine.
Personne ne pose de questions.
Et tout le monde dort mieux.